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Rap gentil

A Paris nous aimons le rap gentil. Un rap, musique de méchants, musique de gangsters, qui n’écorche pas trop nos oreilles délicates. Afin d’arrondir les angles des rythmes tranchants, il faut qu’une femme susurre une belle mélodie.

Cette mélodie jolie, c’est « l’élément féminin exécutant autour du mâle ses prestigieuses pirouettes ». Je cite là Charles Baudelaire, qui compara la musique de Liszt à un thyrse. Ce bâton des Bacchantes tout enroulé de lierre et de pampre pourrait également servir de comparaison au rap gentil. Un élément féminin, voix claire ou instrument gracieux, vient amollir la roideur du rappeur, en entonnant un doux refrain ou en s’entortillant tout du long. « Ne dirait-on pas que la ligne courbe et la spirale font leur cour à la ligne droite et dansent autour dans une muette adoration ? »

Il y a toujours quelqu’un pour mettre un morceau de rap dans nos soirées : Washington Square, Sur le sable ou Recce Cicca… Et alors, quel contraste avec la joliesse des robes et la dentelle des propos ! Mais je crains que le rap gentil n’ait contaminé nos plus belles fleurs. Abandonnant leur langage châtié, nos princesses se mettent à jurer ; les plus raffinées d’entre elles lâchent un bon vieux mot d’argot et débinent leur « daronne ».

Il y a un peu moins de vingt ans, comme en témoigne cette séquence d’un film de Desplechin, c’était encore du vrai rap, du rap de dur que l’on pouvait entendre dans les soirées parisiennes. Les temps changent. Nous nous efféminons, et nos oreilles n’ont plus de tolérance que pour le rap gentil. O tempora ! O mores !

(Julien)